Mardi 21 septembre
Bonjour à tous, désolés pour l’abandon d’hier. Je suis rentrée tellement tard (selon les critères japonais…) que je n’ai pas eu le courage d’allumer l’ordi.
Hier soir on a été plusieurs à se faufiler hors du cours d’histoire de l’art pour aller voir une pièce de théâtre Nô (la fac nous avait offert les billets la semaine dernière). Fin des cours à 5h50 et début de la pièce à l’autre bout de la ville à 6h. Qui inventera donc la téléportation ?
Le spectacle avait lieu au temple du centre ville, à Ikuta road. La scène, assez petite, est installée dans la cour du temple, avec des chaises devant pour les spectateurs. Au dessus de la chaise, le regard est attiré par les néons de l’hotel Amalie qui surplombe le temple.
Il y avait beaucoup de monde, mais nous étions les seuls jeunes.
Le Nô fait encore plus fuir les gens au Japon que l’opéra en France.
Il y a eu deux pièces jouées. D’abord « Kuchimane » qui n’est pas du Nô mais une pièce de Kyogen (comique). C’était l’histoire d’un maitre qui dit à son serviteur de le suivre au mot. Et celui-ci, devant ses invités, se met donc à répéter tout ce que son maître dit.
Ne vous faites pas d’illusions, je n’ai compris l’histoire que grâce aux explications que m’a données le professeur d’histoire. Il nous a même donné une traduction de la pièce Nô qui suivait : Motomezuka. Une tragique histoire d’amour.
Je découvre le Kyogen complètement. La pièce dure environ une demi-heure. Tout est très articulé, chaque syllabe est détachée du reste, le rythme est répétitif, presque chantant.
Avant le début de la pièce Nô, il y a une cérémonie. On nous demande de nous lever (oui, il y a une voix féminine qui vient de hauts parleurs et qui présente chaque pièce). Petite précision, les reste du temps ils n’utilisent pas de micro- et souvenez vous qu’on est en plein air en centre ville, il y a le bruit des ambulances (quoique rares ici. Celle-ci était la première aue j’entendais), les klaxons, les chants des oiseaux dans les arbres au dessus de nos têtes. On entend malgré tout très bien les acteurs.
Trois hommes sur scène. Le premier procède à ce qui ressemble à un rite de purification avec un fouet blanc (désolé pour le manque de termes, il faudra que je fasse quelques recherches pour connaitre le sens de tout cela). Puis on nous invite à nous rassoir. Les lumières s’éteignent et les deux autres hommes allument les torches qu’ils portent et avec descendent de scène et vont allumer un brasier de chaque côté de la scène. Pendant la pièce, les odeurs de fumée arrivent jusqu’à nous, au fond de la cour.
Les acteurs entrent par la gauche, un rideau se soulève et ils marchent le long d’une passerelle (ou hashigakari) avant d’arriver à la scène (mais leur entrée fait déjà partie de la pièce). Ils marchent aussi lentement qu’ils parlent. On est ici aux racines du théâtre contemporain occidental. Brook, Wilson- mes idoles au théâtre- se sont tous inspirés, entre autres, du Nô.
Les gestes sont très stylisés, le texte semble chanté tellement les syllabes sont allongées. –Le contraste avec la pièce précédente est pour cela impressionnante. Cette fois ci, je n’ai pas pu comprendre une seule syllabe.
Le texte du chœur ressemble à un rugissement animal. Les voix se font écho par-dessus la musique stridente de la flute (nokan) et les percussions des tambours qui impriment un rythme différent à celui du chant.
Tous les rôles sont joués par des hommes. Ils portent des masques pour jouer des femmes. (Il existe toute une galerie de masques Nô (omote) qui correspondent à des types.
On a pu remarquer que les masques ne doivent pas être très confortables ni pratiques. Un des acteurs qui jouait un rôle de villageoise, à rater sa sortie. Il n’avait pas vu qu’il n’était pas en face du hashigakari et a marché droit dans le vide. La chute a du être dure. Les accessoiristes l’ont aidé à se relever, il est remonté sur scène, et a refait sa sortie.
les sorties des acteurs (réussies celle ci)
Les premiers à venir sur scène quand la pièce commence sont les accessoiristes. Ils restent au pied de la scène pendant toute la représentation et interviennent régulièrement pour modifier les quelques éléments du décor. Ici, ils ont surtout enlevé la toile qui recouvrait ce qui devait être la tombe d’Unai, quand elle apparait assise dedans (en fait, c’est un fantôme).
On voit ici la tombe découverte: une structure en bambou avec des branches au dessus
Le spectacle s’est fini vers 8h. A la sortie on nous donne un rameau d'haricots comestibles (dont j'ignore le nom et la signification). Ce n'est pas génial au goût.
On est resté un petit groupe à vouloir manger avant de rentrer chez nous. On a opté pour des okonomiyaki. Pas facile d’y échapper, c’est une spécialité de la région (le Kansai). On a trouvé un resto près de la gare, encore un truc minuscule, bien japonais. C’était excellent comme toujours.