lundi 7 mars 2011

Hina matsuri


Le 3 mars était le jour des filles au Japon, ou Momo no sekku ou Hina matsuri. Cette fête n’est célébrée que dans les familles qui ont des filles. Le premier nom Momo no sekku, fait allusion aux pêches (momo) qui sont importantes dans les cultures traditionnelles chinoise et japonaise (mythes et médecine). A partir du VIIIème siècle, le taoïsme est importé au Japon depuis la Chine, en apportant cette importance de la pêche. Les pêches sont, en Chine, symbole d’immortalité. Au Japon, elles sont surtout connues comme symbole de beauté féminine et du printemps (le pêcher fleurit lors du premier mois du calendrier lunaire).
En préparation du Hina matsuri, les familles ayant des filles installent les poupées du festival. Mais, de plus en plus de gens le font même sans filles dans la maison. Souvent, les femmes installent leurs propres poupées, celles de leur enfance. Mon prof d’histoire en a acheté pour sa femme (cadeau de leurs 10 ans de mariage- le prix se compte en milliers d’euros), car les poupées vont à la fille aînée, et donc sa sœur a emmené les leurs à Kyushu, l’île au sud. De même, Ayaka en a acheté deux petites en bois qu’elle a mise sur le buffet de la cuisine pour nous, les étudiantes étrangères qu’elle loge tous les ans.
La tradition des poupées remonte à la Chine. C’était initialement un rite taoïste pendant lequel on plaçait des poupées de papier sur des bateaux que l’on laissait partir dans la rivière ou l’océan. Ces poupées étaient censées emporter nos malheurs.
Ce rituel « Nagashibina » a encore lieu dans certains temples du Japon, près desquels passe une rivière.
Mais le centre d’intérêt du festival est maintenant l’arrangement de poupées installé dans les maisons. Ces poupées là ont une autre origine. Dans les anciens temps, dans les familles aisées, on plaçait une poupée (amagatsu) près du lit des enfants. Celle-ci devait attirer les mauvais esprits et les maintenir éloignés de l’enfant. Les garçons gardaient les poupées jusqu’à 15- âge à partir duquel ils étaient autorisés à prendre part aux batailles. Ensuite les poupées étaient consacrées au temple. Les filles gardaient les poupées jusqu’à leur mariage, lorsqu’elles étaient remplacées par des poupées de fertilité.
Il existait un autre type de poupées pour les classes pauvres, Hoko. Longtemps les deux poupées ont été attribuées deux genres différents, masculin pour les amagatsu, et féminin pour les Hoko.  A partir du XVème siècle, les deux poupées sont disposées ensemble en tant que paire. A partir du XVIème siècle, les poupées sont présentées assises, et symbolisent l’empereur et l’impératrice. A partir de là, on les place sur une estrade à plusieurs niveaux ornementées d’autres poupées représentant la cour, ainsi que d’objets divers : set pour la cérémonie du thé, miroir, boite à bijoux, palanquin…

l'empereur

l'impératrice

un archer


dans la pièce- de style japonais en tatamis- où sont disposées les poupées, il y a aussi l'altar familial pour vénérer les ancêtres de la famille. Voici celui de la famille de Maxime. (il n'y en a pas chez moi car la maison est trop petite, mais il y en a un chez les grands-parents)

Traditionnellement, l’empereur est assis à l’est, proche du lever de soleil, et l’impératrice à sa droite. Mais aujourd’hui la disposition varie selon les familles. Traditionnellement, les femmes sont assises à droite du mari, or quand le pays s’est ouvert à l’Ouest, cela posait problème lors de repas officiels, car les couples occidentaux s’assoient à l’inverse. Cela a donc été modifié pour que la disposition de la table reste une alternance homme-femme. Donc, cela le  degré de conservatisme des familles, on trouve l’une ou l’autre disposition.
Les deux poupées principales sont généralement offertes par les grands-parents à la naissance de l’enfant. Ensuite d’autres membres de la famille offrent au cours des années le reste du set. Bien entendu, il y a des familles qui achètent l’ensemble dès la naissance de l’enfant, ou offrent le leur.
Kyoto est très célèbre pour la fabrication de ces poupées aux prix faramineux.
Lors du festival, il y a plusieurs plats traditionnels à servir. D’abord, le chirashi-zushi, du sushi avec des racines de lotus. Laissez-moi d’abord vous expliquer que ce que nous appelons sushis couramment est au Japon appelé maki-zushi (maki-maki est l’action de rouler), ce sont les sushis enroulés dans des feuilles d’algues puis coupés en tranches. Le sushi fait référence à un grand plat de riz (riz spécial au goût vinaigré) assaisonné de poissons et crudités. Le chirashi-zushi est celui servit spécialement pour le Hina matsuri.
chirashi-zushile deuxième plat en partant du bas

La deuxième spécialité est le Hishi-mochi. Les mochi sont des gâteaux de pâte de riz gluant. On en mange toute l’année, souvent entourés de poudre d’amande ou de macha (thé vert), ou alors en petites brochettes par lot de trois (alors appelés dango). Les hishi-mochi sont coupés en forme de losange et composés de trois couches superposées de mochi de couleurs différentes, de haut en bas, rose pour la pêche, blanc pour la neige, et vert pour le printemps arrivant.
Il est aussi coutume de manger de la soupe de coques ou de bulots, le premier symbole de chasteté, le second, d’harmonie maritale.
Mais, si j’ai mangé plusieurs fois du chirashi-zushi et des mochi, on n’a pas eu droit à la soupe.
Mon premier repas spécial Hina matsuri a été le 3 mars à la fac. Les familles d’accueils ont préparé des plats et sont venues nous rejoindre à la fac, où on a tous mangés ensemble. Malheureusement pas de photos, car j’avais oublié que c’était ce jour là et n’avais pas l’appareil photo. Plusieurs mères d’accueil avaient préparé du chirashi-zushi, mais également des maki-zushi. On s’est régalés. Le soir, à la maison, on en a remangé. Et bien évidemment, à nouveau chez Max, le vendredi soir.
Pour cette fameuse soirée, prévue longtemps à l’avance, personne ne nous avait dit que nous allions porter des kimonos. Enfin, en fait, le vendredi matin au petit-déjeuner Ayaka me dit que Max va porter un kimono lors de la soirée. Lui expliquant qu’il ne m’en a pas parlé, on se dit que c’est une surprise, et je me fais une joie de le lui apprendre… J’arrive avec un grand sourire à la gare, prête à gâcher sa journée, et là il me rétorque qu’il vient de l’apprendre, mais que moi aussi je dois en porter un. Je peste contre nos mères d’accueil pour leurs secrets. En fait, il parait qu’Ayaka me l’a dit le matin, mais le japonais au petit déjeuner, cela pose dès fois des soucis de compréhension…
Les kimonos que les garçons portaient étaient ceux du père d’accueil de Max, et du père de celui-ci. Le mien, celui de jeunesse de sa mère d’accueil. Les trois sont de très beaux kimonos à l’intérieur en soie. Sur celui que portait Max, la doublure intérieure comporte un dessin et un poème. Car sous le kimono apparent, on porte un autre kimono plus léger, dont le nom se traduit par sous-vêtement. On doit le porter, car en fait un kimono ne se lave pas (donc on ne mange pas avec, et on ne fait rien. Il y a des vêtements d’intérieur plus simples). Pour le laver, il faut le découdre entièrement pièce par pièce et laver chaque morceau à la main. Il y a à Kyoto des boutiques spécialisées, car Kyoto est la ville des geishas et beaucoup de femmes portent le kimono de manière plus régulière qu’ailleurs au Japon.
Mon kimono intérieur était en soie, blanc et rose, couleur des « ume », prunes qui fleurissent en ce moment.
voici la meilleure amie de la mère d'accueil de Max, qui m'a habillée, en train de plier le kimono intérieur, avec derrière elle, l'arrangement des poupées

Jusqu’au mariage, les femmes portent des kimonos aux manches plus larges. Il est assez mal vu d’en porter ensuite, ou passé la trentaine. 25 ans est l’âge limite de mariage pour les femmes, ensuite c’est vu comme désespéré. Ensuite, on recourt aux mariages arrangés, encore très courants. Les « omiai » sont les rencontres arrangées en vue du mariage. Ils sont soit organisés par la famille, les amis ou l’entreprise (cela se fait beaucoup). Mais il y a aussi des « omiai » organisés par des agences de rencontre. Une amie y est allée pour des recherches d’observation pour un des cours proposés par la fac (que je ne suis pas). Elle observe comment les hommes réagissent face à une femme occidentale et le fonctionnement des omiai. Ils sont en fait organisés selon le statut économique. Les omiai où elle a été étaient ouverts aux femmes de 23 à 30 ans, et aux hommes de 30 ans et plus. Cela fonctionne comme du speed dating, 3 minutes pour parler avec chaque participant. Puis tu inscris sur une carte les personnes que tu préfères et peut leur envoyer un message. Ensuite, un second tour a lieu avec les personnes intéressées. A la fin, tu dois donner trois choix par ordre de préférence. Le personnel de l’agence fait des couples selon les choix. Puis on les annonce et cela marque la fin de l’omiai. Même si tu es déclaré en couple avec quelqu’un cela ne t’engage à rien. Et à chaque fois qu’elle y est allée, tout le monde a quitté la salle sans parler avec qui que ce soit. Une expérience intéressante!